Radio 100.7: interview avec le Nouveau Président National du NGL-SNEP

Voici la transcription de l’interview faite en langue luxembourgeoise. La traduction a été faite par le NGL-SNEP.
Voici le lien vers l’interview originale: https://www.100komma7.lu/article/aktualiteit/20230203ivdarmand-wildanger
Maurice Molitor de Radio 100.7 en interview avec Armand Wildanger du NGL-SNEP
Maurice Molitor : Cela fait une semaine que vous êtes Président, bonjour Monsieur Wildanger.
Armand Wildanger : Bonjour Monsieur Molitor.
Radio 100.7 : Nous ne pouvons pas éviter de faire un petit tour dans l’histoire syndicale des 30, 40 dernières années afin de bien situer votre organisation. Le nom fait déjà allusion à une fusion alors qu’il faut savoir que le SNEP est un dérivé de la FEP, le grand syndicat des employés privés qui a disparu complètement entretemps.
Armand Wildanger : C’est bien cela. Le SNEP s’appelait initialement FEP-R, ensuite SNEP-R et finalement SNEP. Il s’agissait en fait d’une section Goodyear de la FEP qui s’est détachée de la FEP et qui a fait une évolution due en partie à l’ALEBA. Nous avions une collaboration avec le syndicat des banques et assurances au sein de la Fédération syndicale ALEBA/UEP-NGL-SNEP. C’est cette Fédération syndicale qui a fait que le NGL et le SNEP se sont rapprochés ce qui a finalement mené à leur fusion en 2008.
Radio 100.7 : Donc à la base le SNEP un syndicat issu de la FEP et l’autre syndicat c’est donc le NGL – Syndicat neutre du Luxembourg – qui est issu en 1987 du NHV – le Syndicat neutre des artisans – et c’est ce syndicat au sein duquel ont grandi avec Gast Gibéryen et Aly Jaerling deux députés ADR, ce qui explique pourquoi cette image de l’ADR vous colle jusqu’à ce jour.
Armand Wildanger : Déjà, cela ne s’appelait pas ADR depuis le début. Les gens ont l’habitude de vous faire coller l’image qu’ils veulent vous faire coller s’ils ont l’intention de vous nuire.
A la base il y a une connexion historique. Il s’agit de la création au sein du syndicat d’un comité d’action pour réclamer de meilleures retraites pour tous les travailleurs (à l’instar de ce qui s’est fait pour la revalorisation des pensions pour les fonctionnaires).
Si on a un cœur de syndicaliste, on peut comprendre et soutenir cette idée (de lutter pour l’amélioration des retraites de tous les travailleurs). Ce fut le prédécesseur du NGL qui existe depuis 1946 sous différentes dénominations. Je ne connais pas l’histoire de l’ADR qui s’appelle ainsi seulement depuis 2003 ou 2006.
Mais il est vrai que l’on nous colle systématiquement cette étiquette. Or, je dois dire en toute fermeté que déjà sous la présidence de Jean-Claude POOS nous avons strictement pris nos distances avec tout parti politique. Il fait attribuer le mérite de cette séparation également à l’ALEBA qui, lors de la création de la Fédération syndicale en 2003, a insisté sur le respect de la neutralité politique, qui est (actuellement) ancrée dans nos statuts. A cette époque, Messieurs Gibéryen et Jaerling ont démissionné de leurs postes (au syndicat NGL) et depuis ce temps, la séparation est consommée.
Maurice Molitor : Je vois que vous insistez très fermement sur le fait que vous êtes un syndicat totalement indépendant sur le plan politique.
Il y a donc eu en 2003 une Fédération syndicale entre l’ALEBA, le NGL et le SNEP qui à l’époque étaient donc encore trois syndicats indépendants – l’ALEBA le demeure par ailleurs toujours jusqu’à cette date – dans le but d’acquérir la représentativité nationale à l’époque. Mais ce plan n’a pas fonctionné.
Armand Wildanger : Ce plan n’a pas fonctionné. C’est une question d’ordre juridique dont je ne suis pas l’expert. Il y a eu un jugement du tribunal administratif dont un Me ENTRINGER pourrait vous expliquer les tenants et aboutissants, ayant été le chef d’orchestre de cette procédure. En tout cas ce jugement a qualifié la Fédération syndicale comme ayant la mauvaise composition pour aboutir à la représentativité nationale puisque les sièges obtenus lors des élections sociales ne le furent pas au nom d’une seule organisation syndicale, mais bien au nom de trois syndicats différents. Donc nous n’avons pas atteint le but de la représentativité nationale…
Radio 100.7 : … qui est importante pour pouvoir signer des conventions collectives, enfin indispensable plutôt.
Armand Wildanger : tout dépend dans quel domaine vous comptez signer la convention collective. Une convention collective a un domaine d’application, et si vous êtes majoritaire dans ce domaine, vous pouvez signer la convention collective.
L’ALEBA qui n’a pas de représentativité nationale mais bien la sectorielle a bien signé la convention collective des banques.
Radio 100.7 : Donc il y a eu la Fédération syndicale de laquelle l’ALEBA s’est retirée et par la suite, le NGL a fusionné avec le SNEP.
Or, dans votre premier discours de Président il y a une semaine, vous avez parlé de nouveau d’un rapprochement avec l’ALEBA. Que visez-vous précisément.
Armand Wildanger : Je dois revenir brièvement sur ce que vous avez dit : l’ALEBA ne s’est jamais retirée de la Fédération syndicale, ce serait injuste de le prétendre. La Fédération syndicale a cessé de fonctionner tout simplement…
Radio 100.7 : Mais que visez-vous précisément ?
Armand Wildanger : bien sûr que j’ai parlé du rapprochement avec l’ALEBA (au Congrès). Nous négocions depuis un certain temps avec l’ALEBA qui est le plus grand syndicat à représentativité sectorielle du pays. Nous nous sommes dit que l’ALEBA voulait peut-être sortir de ce cadre et viser la représentativité nationale. C’est là que nous entrons en jeu.
Les premiers contacts se sont faits entre (feu) Felix Walisch (de l’ALEBA) et le Président du NGL-SNEP, Jean-Claude Poos.
Il est évident que nous sommes toujours ouverts à toute discussion. Le problème consiste dans le fait qu’au fil des négociations, nous avons eu l’impression d’être uniquement un moyen de parvenir à leur fin pour l’ALEBA. Or, nous avons assez d’estime de nous-même pour ne pas nous laisser utiliser aux seules fins des autres.
En rétrospective, je dirai, que nous avons fait l’erreur de négocier avec le président de l’ALEBA seul.
Pourtant, je ne voudrais pas finir sur cette note négative. Nous avons eu, il y a quelque temps, une réunion très constructive avec le comité exécutif de l’ALEBA.
Radio 100.7 : qu’est-ce que cela veut dire concrètement pour l’avenir ? La porte est-elle ouverte pour aller jusqu’à la fusion ?
Armand Wildanger : tout d’abord, il faut apprendre à connaître la fille que l’on s’apprête à épouser. Nous envisageons une collaboration. Une fusion serait trop rapide au vu du fait qu’il y a trop de mémoires du passé, des deux côtés je pense. Nous pensons à une collaboration sur trois ans et si nous apprenons à nous connaître et nous voyons qu’il y du potentiel pour une fusion, il n’y a pas de raison pour l’empêcher à la longue.
Je pense que nous avons toujours fait l’erreur de vouloir aller trop vite. Et maintenant, vouloir brûler les étapes un an avant les élections n’est sûrement pas la bonne façon de faire.
Maurice Molitor : quand vous parlez d’élections, vous voulez dire « élections sociales ». Vous pensez donc à une phase test (avec l’ALEBA). Ce serait bien sûr formidable pour vous d’avoir un pied dans la porte dans le secteur des banques.
Dans quels secteurs, dans quelles entreprises le NGL-SNEP est -il présent aujourd’hui ?
Armand Wildanger : je dois revenir brièvement sur la coopération : les Romains ont toujours dit « festina lente » (hâte-toi lentement) et il faut que nous veillions à ce que, comme Willy Brandt a dit « Dass zusammenwächst was zusammen gehört ».(Citation de l’ancien Chancelier allemand, Willy Brandt lors de la réunification allemande : « que grandisse ensemble ce qui va ensemble »).
Nous n’avons jamais voulu concurrencer l’ALEBA dans le secteur des banques, cela n’est pas le but. Nous nous engageons pleinement à aider l’ALEBA dans le but d’acquérir la représentativité nationale, parce qu’il s’agit d’une situation « win-win » (où les deux parties gagnent).
A la base, nous sommes actifs dans tous les secteurs. Nos activités syndicales proprement dites se font essentiellement dans le secteur du gardiennage. Nous sommes actifs dans tous les autres secteurs, or, plutôt sur un plan juridique pour aider les gens en détresse ce qui peut ressembler parfois plus à un travail social qu’à un travail syndical, proprement dit…
Radio 100.7 : vous voulez dire que vous assistez socialement vos adhérents ?
Armand Wildanger : bien sûr, je parle de nos adhérents…
Radio 100.7 : de combien de personnes parlons-nous ?
Armand Wildanger : 3.300.
Radio 100.7 : vous avez donc trois mille trois cents adhérents. Et donc votre argument principal, ce que vous leur offrez, c’est les conseils juridiques… Pourquoi adhérer au NGL-SNEP plutôt qu’à l’un des deux grands syndicats ?
Armand Wildanger : vous l’avez dit tout-à-l’heure dans votre annonce : vous avez dit que nous vivons dans l’ombre des autres syndicats. C’est vrai que nous ne pouvons pas nous mesurer à eux.
Vouloir jouer sur le même terrain, alors que la loi ne nous met pas les mêmes moyens légaux à notre disposition, serait tout simplement suicidaire. Il faut donc chercher une niche et nous avons un personnel hautement compétent pour conseiller les adhérents. Les gens viennent chez nous parce qu’ils n’ont pas besoin de sonner d’abord à la porte pour ensuite passer par six personnes pour trouver finalement avec un peu de chance quelqu’un qui parle leur langue.
Chez nous la prise en charge est immédiate, les conseils sont donnés par la personne la plus spécialisée en la matière, nous prenons le temps qu’il faut, si cela prend trois heures, cela prend trois heures.
Radio 100.7 : Bon, effectivement, vous êtes un peu dans l’ombre des deux grands syndicats, mais lors de votre premier discours de Président national, vous avez dit que le LCGB s’est rapproché récemment de vous.
Armand Wildanger : C’est correct. Cela s’explique par le fait que nous avons de très bonnes relations avec des délégués du LCGB et les secrétaires syndicaux dans certaines entreprises dans lesquelles nous négocions ensemble. Cette proximité d’être du même côté de la table de négociation, de s’échanger et puis aussi se faire remarquer par sa compétence et même parfois arriver à débloquer des situations difficiles fait finalement qu’il y a un rapprochement.
Radio 100.7 : Mais concrètement, cela veut dire quoi ? Existe-t-il des négociations pour une collaboration renforcée ?
Armand Wildanger : Non ! Il s’agissait d’une offre de coopération et de présenter éventuellement des listes communes lors des élections sociales.
Or, nous ne pouvons pas jouer sur deux tableaux. Notre Comité national a refusé cela. Nous aurons toujours plus d’affinités avec un syndicat politiquement neutre – ce qui est une contradiction en soi, un syndicat n’est jamais politiquement neutre, un syndicat prend toujours une position politique, il faut entendre par là plutôt « indépendance politique » – donc nous avons plus en commun avec l’ALEBA.
Je l’ai dit auparavant. Le SNEP et l’ALEBA sont deux enfants nés de la même mère, la défunte FEP, même si cela date de 40 ans et qu’aujourd’hui, les personnes ne sont plus les mêmes.
Radio 100.7 : Donc, afin de bien comprendre : le LCGB s’est rapproché de vous mais cela est déjà classé sans suites.
Armand Wildanger : officiellement cela reste sans suites. Pourtant, nous ne sommes pas ennemis. Pour moi, nous ne sommes jamais ennemis, même si nous sommes concurrents lors des élections sociales. Nous ne devons jamais oublier que nous sommes face à des employeurs de plus en plus forts et il est tout simplement très peu intelligent de se quereller entre syndicats.
Radio 100.7 : En effet. L’année prochaine donc il y aura les élections sociales. D’un côté, il y aura le renouvellement des délégations dans les entreprises. Je pense que vous espérez pouvoir vous maintenir dans les entreprises dans lesquelles vous êtes présents aujourd’hui. Par la même occasion il sera procédé à la désignation des représentants à la chambre des salariés. Peut-on dire que vous n’avez aucune chance d’avoir des élus à la Chambre des salariés ?
Armand Wildanger : c’est extrêmement difficile en effet. Je l’avais évoqué lors d’une interview avec votre collègue en 2019, et je n’ai pas changé d’avis. Il faut voir si l’investissement en vaut la peine : combien de centaines de milliers d’euros voulez-vous dépenser dans des stylos et des sachets afin d’« acheter » des votes ? Je ne pense pas que cela fonctionne.
Je vais être cru ici mais je pense que la victoire reviendra à celui qui recueillera le plus d’enveloppes brunes auprès de ses adhérents afin de mettre les croix dans les cases à leur place. C’est la triste vérité et nous sommes faibles sur le plan logistique.
Radio 100.7 : enfin, ce n’est quand même pas une question de logistique, vous insinuez qu’on triche lors des élections sociales.
Armand Wildanger : Bien sûr que ça triche de partout. Je suis sûr à cent pourcent.
Radio 100.7 : c’est un reproche très grave que vous seriez capable d’étayer si vous étiez amené, voire forcé de le prouver ?
Armand Wildanger : Je suis entre autres en possession de photos d’un tas d’enveloppes brunes dans le coffre d’une voiture alors qu’il faut se demander ce que ces enveloppes font dans la voiture de cette personne.
Je pense qu’il s’agit d’un secret de polichinelle et je suis persuadé qu’aucune élection ne sera annulée pour cela.
Il est quand même évident qu’un syndicat qui a une plus grande logistique, des moyens plus importants, est plus présent dans les entreprises, a plus de moyens de pression aura de meilleures chances lors des élections sociales qu’une petite organisation qui doit rester devant la porte et distribuer ses tracts sur le trottoir. C’est une situation très inégale.
Radio 100.7 : Pour conclure : Est-ce qu’une organisation comme la vôtre a une chance de survie à la longue ?
Armand Wildanger : Je n’aurais pas brigué la présidence si j’étais d’avis qu’il n’y a pas de chance de survie.
Radio 100.7 : mais les élections sociales sont pourtant un événement qui met en cause votre existence en tant qu’organisation, non ?
Armand Wildanger : Non ! Même si les élections sociales sont toujours un baromètre, nous n’en dépendons pas existentiellement.
Nous avons œuvré pour trouver notre niche dans laquelle notre survie ne dépend pas du résultat des élections sociales. Si nous dépendions des élections sociales, cela fait longtemps que nous n’existerions plus.
Mais, cela ne veut pas dire que cela nous fait plaisir de continuer dans cette voie. Ce n’est pas par hasard que nous sommes en négociations avec l’ALEBA.
Maurice Molitor : Voilà ! Le Président du NGL-SNEP, Armand Wildanger, était ce matin mon invité du jour. Je vous remercie beaucoup Monsieur Wildanger.
Armand Wildanger : Merci de m’avoir invité.