Indexation du mois d’avril: la grande surprise!

Rétrospective

Il faut savoir que l’indexation des salaires du mois d’avril 2023 est une indexation reportée: il s’agit de celle du mois de juillet 2022. Rien que par ce retardement de l’indexation, l’adaptation rétroactive à l’augmentation de l’inflation perd de la valeur. Plus elle vient tard, plus les travailleurs et retraités perdent de l’argent.

L’indexation sauvée

Nous pourrions nous contenter de crier victoire, à l’instar de nos camarades des syndicats représentatifs, qui ont négocié ce qui nous arrive: l’indexation pour tous est sauvée. Ce qui a été sauvé, est donc un système dans lequel le travailleur au salaire minimum – et il y en a beaucoup au Luxembourg – aura une augmentation brute de mars à avril (avant impôts et charges sociales donc) de 61,17 euros. Celui qui a un salaire/ traitement de 10.000€ – et il y en a beaucoup également au Luxembourg – aura une augmentation de 249,96€. Celui au milieu, à 5000 euros brut, aura une augmentation de 124,98 euros.

Encore une victoire comme celle-ci, et nous sommes perdus!

Nous avions largement décrit les côtés moins reluisants de l’indexation dans notre article: indexation des salaires record en 2023. Sans virer dans l’extrême de dire que l’indexation est fatale ou dans l’idéologie du maintien de l’indexation à tout prix. Le Comité national du NGL-SNEP se penchera sur la question.

Ce qui importe de noter, c’est que cette indexation, outre le fait qu’elle est en retard (ou devrai-je dire: en gestation depuis) de 9 mois, elle est tout simplement un maquignonnage, un mauvais troc!

Le fait est tout simplement qu’il y a des travailleurs qui, malgré l’indexation, perdront de l’argent, et notamment ceux qui en ont le plus besoin: les petits salaires, les petites retraites, les célibataires en quête d’une existence…

Les chiffres ne mentent pas

Prenons les mêmes exemples qu’au paragraphe 2: le célibataire 1 au salaire minimum (sans abattements fiscaux) qui aura 61,17 euros de plus sur son salaire brut du mois d’avril, perdra 40,83 euros sur son net par rapport au mois de mars. Donc, gagner 60 euros de plus pour en perdre 40.

Le célibataire à 5.000 euros au mois de mars aura une augmentation brute de 124.98€ pour perdre encore 17,11€ sur son net.

C’est seulement aux environs de 6000 euros brut que l’effet de l’indexation commence à être positif.

Les gros salaires plus gros, les petits plus petits!

Nous connaissons le principe depuis la nuit des temps de l’ère capitaliste. Le clivage entre riches et pauvres se creuse toujours et encore. Les classes moyennes disparaissent. Vous le voyez sur le salaire de 5.000 euros, qui perd encore.

La grande question: comment est-ce possible?

« Il » a été convenu entre syndicats, patrons et gouvernement, qu’en même temps que l’indexation de juillet 2022 serait accordée enfin en avril 2023, le CIE (« crédit d’impôt énergie ») allait être retiré. C’est ce retrait du CIE qui cause le dommage.

Dommage – une chance perdue

Le crédit d’impôt énergie a été introduit afin de compenser le report de l’indexation. On peut se demander si le mécanisme compensateur de l’indexation n’a pas été meilleur que l’indexation elle-même qu’il était destiné à compenser, pour une trop courte durée malheureusement. Pour qu’il n’y ait pas de malentendu: sa disparition a été négociée le jour de sa création. Notamment le syndicat qui se veut le numéro un a pestiféré contre ce remplaçant de l’indexation.

Pour les détails techniques, voici le lien vers le site des Contributions: https://impotsdirects.public.lu/fr/az/c/credit-impot-energie/cie2022.html. Profitez-en tant qu’il est encore en ligne, la page étant probablement destinée à disparaître tout comme le CIE lui-même.

Le CIE, c’est qui?

Le CIE est un crédit d’impôt qui se rajoute à votre salaire net une fois les charges sociales et fiscales et les abattements déduits du salaire brut. Comme vous pourrez le constater en suivant le lien ci-dessus, le CIE, contrairement à l’indexation, renforce les petits salaires plus que les grands. Par ailleurs, il a l’avantage de bénéficier aux salariés qui ne paient pas d’impôts, non pas parce qu’ils sont privilégiés, mais parce que leurs salaires sont tellement bas qu’ils ne sont pas pris en compte par le système d’imposition. Le CIE est donc un instrument socialement équitable en soutenant davantage les travailleurs les plus touchés par la crise: pensons aux femmes de ménage qui n’ont pas de contrat de travail à plein temps et qui doivent utiliser leur véhicule privé pour se rendre d’un client à l’autre, qui sortent 12h par jour pour en travailler peut-être six et qui sont au salaire minimum… incomplet puisqu’à temps partiel. Sans oublier d’autres professions dans lesquelles les travailleurs sont des travailleurs pauvres.

De quel côté sont les syndicats

Lorsque nos voyons donc cet instrument d’adaptation des salaires à l’inflation socialement équitable, car dégressif en fonction du montant du salaire, disparaître sous la signature des syndicats représentatifs, il faut se poser la question: de quel côté sont ces syndicats? Quels sont les travailleurs qu’ils défendent?

En tout cas, pour l’État luxembourgeois, c’est une aubaine financière, et la Ministre des Finances ne s’en cache pas. Alors que le crédit d’impôt ne rapporte rien à l’État puisque le salaire net est augmenté, l’indexation rapporte à chaque fois des millions supplémentaires dans les caisses de l’État. Voici un extrait de la conférence de presse de la Ministre des Finances, il y a quelques jours : « En 2022, 17.000 nouveaux postes de travail ont été créés dans le pays. C’est ce qui, par le biais de l’augmentation des salaires, permet d’alimenter les caisses de l’État. D’autres recettes sont également obtenues par le biais des tranches d’indexation et qui augmentent les recettes fiscales plus élevées sur des salaires plus élevés.« 

Une coïncidence arrangeante

Vous connaissez tous la cotisation pour la chambre des salariés qui est débitée habituellement, depuis des années, au mois de mars de votre salaire net. Actuellement, cette cotisation est de 35€. Certains l’appellent ironiquement la « cotisation pour la fête du duc » (pour situer). Or, comme le CIE est aboli au mois d’avril, les concernés qui perdent ne le verront pas forcément, puisqu’ils compareront le salaire net d’avril à celui du mois de mars, auquel on a déjà débité les 35 euros sur le net. Il faudra comparer au salaire de février pour voir la baisse du salaire net.

Pour conclure

L’inflation en zone euro est toujours de 6,9% pour le mois de mars 2023 avec des prévisions pessimistes. Le mécanisme de l’indexation des salaires est sauvé, les salaires bruts augmentent au mois d’avril, plus d’impôts renflouent les caisses de l’État mais les petits salaires perdent de l’argent. Cherchez l’erreur!

  1. ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres, des salariés en classe d’impôt 2 nous rapportent également des pertes de salaire[]